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Le Phénomène Goldorak, Liliane Lurçat (1981)

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Le Phénomène Goldorak, Liliane Lurçat (1981) Empty Le Phénomène Goldorak, Liliane Lurçat (1981)

Message par Guillaume Mer 1 Avr - 11:52

Liliane Lurçat, À cinq ans, seul avec Goldorak: Le jeune enfant et la télévision, Paris, Éditions Syros, deuxième édition, 1981.
(p.53)


Pourquoi ne l'aime-ton pas?

Parce qu'il est effrayant, il fait peur:
Nathalie B.: Non parce que ça fait peur, parce que j'aime pas voir les choses horribles.
Guilène B.: Les bandits je les aime pas, à chaque fois j'en vois un ou deux, j'ai la trouille.
Catherine P.: Ah non! ah non! ah non! parce que moi j'ai trop peur de lui, il attaque les Golgoth, il attaque tout le monde!
Clair S.: J'aime pas Goldorak, c'est pas beau, sinon on fait des cauchemars dans la nuit.

Parce qu'il est agressif:
Rafaël P.: Pas tellement, parce qu'il attaque tout le monde.
Agnès D.: Non parce qu'il y a la bagarre, j'aime mieux quand on dit c'est une petite fille et elle habite une maison très jolie.
(p.57)
Julien D. qui affirme par ailleurs aimer Goldorak, le préférer aux monstres, imagine de façon très réaliste l'agression que lui fait subir Goldorak: Oui, c'est Goldorak qui est beau, il est pas fort parce que c'est les monstres qui gagnent. - Q.: Il te fait peur? - Non parce que j'aime les bandes dessinées et les films de monstres, je n 'aime pas ça. - Q.: Il peut te faire mal? - Non, parce que quand je le vois à la télé qui gagne, il peut pas m'attaquer, parce que je peux me sauver. Quand il tape ses pieds par terre fort, on peut tomber sur un caillou et Goldorak peut nous écraser. -Q.: C'est un vrai monsieur? - Oui.

Au tournant des années 1980, les critiques négatives des dessins animés japonais sont redoutables. Elles sont nombreuses, mais elles ont tendance à prendre Goldorak pour tête de turc. On accuse, de façon générale, la violence de plus en plus visible à la télévision. Aussi, on s'inquiète de voir les enfants passer de plus en plus de temps devant le petit écran. Dans certains milieux, on essaie surtout de comprendre pourquoi le dessin animé "japonais" remporte tant de succès et on réclame de plus en plus de dessins animés faits par des Français/Canadiens français. Pour toutes sortes de raisons, donc, Goldorak devient une proie facile pour ces critiques.

Liliane Lurçat, parmi tant d'autres, se bâti une carrière comme chercheure en sciences sur l'idée que la télévision et les émissions comme Goldorak sont en train de détruire nos enfants. Son analyse, pourtant superficielle, est reprise ad nauseum par les médias et les éléments de sa critique y sont toujours véhiculés. Docteur en psychologie, directeur honoraire au CNRS (1995), Lurçat a toujours un impact indéniable sur ce qui se dit sur Goldorak.

L'analyse proposée par Lurçat sur Goldorak a pour prémisse de base que le dessin animé a une influence directe sur le comportement de l'enfant. L'analyse est fondée sur une recherche entreprise auprès d'un groupe d'enfants de 4 à 6 ans dans un milieu ouvrier dans la région de Paris.

Dans son livre À cinq ans, seul avec Goldorak (1981), Lurçat dégage ses conclusions de tests et de questions soumis à ces enfants. Elle s'attarde à l'attrait exercé par Goldorak sur les enfants, à la représentation qu'ils font de son univers, de la peur ou de l'attraction qu'ils éprouvent pour ce personnage et, enfin, des influences (ou de l 'importance) de la télévision dans leur vie.

La conclusion de Lurçat est sévère: l'univers culturel des enfants est trop limité. Selon elle, les «effets de séduction (...) limitent le pouvoir créateur et favorisent l'invasion de l'imaginaire et du champ mental par des thèmes parasitaires qui peuvent freiner le goût de comprendre et d'agir». En particulier, elle croit que ce genre de divertissement «crée une dépendance et devient un besoin» pour les enfants. Elle souligne qu 'en abandonnant les enfants à la télévision, on les soumet «de façon répétée à un bombardement émotionnel qui peut avoir des effets dommageables sur leur équilibre». Bref, il faudrait repenser «les loisirs des jeunes enfants».
L'effort d'analyse de Lurçat est plutôt faible. Il s'agit d 'un essai de sociologie «spontannée». Elle accorde trop de pouvoirs à la télévision.

Goldorak fait peur à de petits enfants? Que dire de l'effet du bonhomme sept-heures ou des parents de Hansel et Gretel les abandonnant dans la forêt sur des générations d'enfants?

Les enfants sont confus lorsqu'ils tentent d'expliquer ce qu'ils ont vu à la télévision? N'est-ce pas vrai de toute tentative à cet âge d'expliquer ce qui passe autour de soi?

Les enfants ont un vocabulaire très pauvre? Ne serait-ce pas le reflet de la condition socio-économique dans laquelle ils et elles vivent? (D'ailleurs, comment affirmer telle chose sans avoir fait une étude comparative avec des enfants d'autres milieux socio-économiques? Je pense ici aux recherches entreprises aux États-Unis pour comprendre l'impact de Sesame Street sur les enfants de différents milieux sociaux. Cette émission devait permettre aux enfants des milieux défavorisés d'acquérir un bagage culturel qui leur permettrait de mieux réussir à l'école. Or, ce sont plutôt les enfants des milieux bourgeois qui ont été séduits par cette émission car ils s'y sont reconnus. Morale: Ce n'est pas la télévision qui va donner le bagage culturel de base à l'enfant).

Les dessins des enfants sont trop inspirés par Goldorak? N'avons-nous pas tendance à dessiner ce que nous aimons et ce que nous connaissons à cet âge?

Toutes ces raisons nous amène à remettre en question les a priori même des analyses de type Lurçat.

Mais nous devons en ajouter une: Pour qu'une telle analyse soit crédible, il aurait fallu faire le suivi de ses cobayes. Il serait bien intéressant de voir qui a réussi et qui a échoué dans la vie, qui est heureux et qui ne l'est pas 20 ans plus tard.

Qui furent les plus grands fans de Goldorak? Je me considère l'un de ceux là... Et, lorsque je regarde autour de moi ceux qui aiment bien parler de leurs plus beaux souvenirs de jeunesse reliés à Goldorak, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire quand je m'aperçois que l'un est avocat, l'autre est étudiant à la maîtrise en littérature française, celui-ci est enseignant au primaire, celle-là a un emploi comme cadre dans une firme de haute technologie...
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